A Bangkok, le face-à-face de deux Thaïlande
La tension est forte dans la capitale thaïlandaise, où les opposants au gouvernement de Mme Yingluck Shinawatra occupent toujours plusieurs ministères.
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Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par Bruno Philip (Bangkok, correspondant )
Lundi, ses partisans ont investi le ministère des finances où les assaillants, qui ont pris soin de ne rien casser, font régner désormais une atmosphère de kermesse ; dans la soirée, d'autres opposants avaient occupé le ministère des affaires étrangères. Ils ont cependant évacué ce dernier mardi afin de focaliser leurs actions contre les ministères de l'intérieur, de l'agriculture, des transports, du sport et du tourisme, qu'ils ont désormais assiégés.
En Thaïlande, l'histoire ne se répète pas : elle patine. En 2008, déjà, les mêmes opposants à un gouvernement de semblable obédience avaient occupé les aéroports de la capitale thaïlandaise pour chasser les tenants du pouvoir d'alors. Ils veulent en faire de même aujourd'hui.
LA BÊTE NOIRE DE CES OPPOSANTS, C'EST THAKSIN
Le prétexte a été la tentative, par le gouvernement de Yingluck Shinawatra, de faire récemment voter à l'Assemblée une loi d'amnistie qui aurait exonéré son frère Thaksin – aujourd'hui en exil après avoir été renversé par les militaires en 2006, alors qu'il était au pouvoir – des charges de corruption pesant contre lui. Mais si la loi a bien été adoptée à l'Assemblée, elle a été récemment « retoquée » au Sénat. L'opposition n'a soudain plus eu d'autre grain à moudre que de prolonger un mouvement dont l'objectif affiché est désormais rien moins que de contraindre à la démission un gouvernement élu haut la main en 2011. Gouvernement dont Thaksin, dixit l'opposition, tire les ficelles depuis son exil de Dubaï...
La bête noire de ces opposants, emmenés par les caciques du vieux Parti démocrate, c'est donc Thaksin. L'ancien policier devenu milliardaire puis premier ministre fut autant populiste que populaire parmi les couches les plus défavorisées, notamment dans les provinces du nord-est. Ce capitaliste flamboyant pratiqua une économie libérale intégrant les contraintes de la mondialisation autant qu'une politique sociale à l'égard du monde rural qui tranchaient avec celles de ses prédécesseurs. Résultat, il se mit à dos l'establishment militaro-monarchiste qui l'accusait de tendances républicaines.
La confrontation d'aujourd'hui est ainsi le prolongement d'une situation clivée entre, pour simplifier, des Pro-Thaksin dont le soutien dans les provinces les plus pauvres est massif, et les élites urbaines de Bangkok, décidées à défendre des avantages acquis, le respect de la monarchie et un certain conservatisme idéologique au plan social.
LES RISQUES DE CONFRONTATION SONT TOUJOURS POSSIBLES
Les risques de confrontation entre parties rivales sont toujours possibles : alors que défilent dans Bangkok les opposants au gouvernement, les « chemises rouges », les partisans du clan Shinawatra, sont rassemblées dans un stade de la ville. Bien décidées à défendre « leur gouvernement ». En 2010, ces mêmes chemises à la couleur pourpre avaient occupé pendant deux mois le centre des affaires de Bangkok pour exiger la démission du gouvernement précédent et demander le retour de leur idole Thaksin.Cette occupation avait provoqué une sanglante répression de l'armée, qui s'était soldée par 90 morts.
La crainte serait aujourd'hui de voir se prolonger un pareil mouvement, cette fois-ci emmené par leurs adversaires, qui paralyserait durablement l'activité du pays et le fonctionnement de sa bureaucratie, si l'occupation des ministères se prolongeait.
Bruno Philip (Bangkok, correspondant )
Journaliste au Monde - COPY http://www.lemonde.fr/
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