Déploiement policier sur les plages de Rio de Janeiro
Les autorités de l'Etat de Rio, à deux cents jours de
l'ouverture de la Coupe du monde de football, tentent de chasser les
bandes qui sévissent sur le sable blanc, de Copacabana à Leblon.
Le Monde.fr |
A deux cent jours de l'ouverture de la Coupe du Monde de football en 2014, les pouvoirs publics de Rio de Janeiro veulent renvoyer de leur ville l'image d'une cité sûre, même sur le sable. Suite à des vols à la tire commis en bandes sur la plage d'Ipanema, qui ont provoqué une panique générale les 17 et 20 novembre, les autorités cariocas ont décidé de prendre des mesures drastiques.
Sous l'impulsion du secrétaire de l'Etat de Rio à la sécurité, José Mariano Beltrame, l'Etat vient de renforcer les effectifs de la police sur le bord de mer de la zone sud. Depuis le 23 novembre, 600 policiers sont en poste le long des plages, de Copacabana à Leblon. Installés autour de "stands" de surveillance plantés à intervalles régulier sur les quatre kilomètres de sable blanc, ils seront opérationnels tous les week-ends et les jours fériés, de 9 heures à 19 heures. On parle ici du "Choque", la force d'intervention spéciale de la police militaire, qui devrait désormais compter 450 nouvelles recrues se dépalçant à pied, en quad et en voiture. Ces agents utilisent principalement des armes non létales et ne sont pas équipés pour faire face aux conflits violents.La troupe d'élite de la police, la Coordenadoria de Recursos Especiais (CORE, Coordination de ressources spéciales), qui va compléter le dispositif avec une trentaine d'hommes, dispose d'équipements similaires à ceux des CRS français, les armes létales en plus. M. Beltrame explique sa décision, prise conjointement avec le gouverneur de l'Etat, Sergio Cabral : "Nous allons intensifier la surveillance policière, les bataillons concernés vont disposer des policiers en civil sur la zone. D'autres institutions vont nous aider à gérer les mineurs impliqués. Ces vols troublent la tranquillité des gens, la police va anticiper ce genre d'actions. Il s'agit de personnes qui viennent d'ailleurs avec l'intention de voler ; ce qu'on doit faire, c'est montrer la présence de la police à la population." Lieux de concentration de la classe aisée et des touristes, ces espaces sont accessibles aux classes populaires et modestes qui viennent y passer leur week-end.
"LES GANGS NE SONT PAS INTIMIDÉS PAR LA POLICE"
Les agents vont aussi contrôler les bus en provenance de la zone nord moins favorisée, notamment du quartier Meier d'où partent de nombreux transports publics vers les quartiers de Copacabana et Leblon. Les opinions divergent quant à l'efficacité de ces mesures. Artur Wolters, commerçant de 39 ans habitué des plages de la zone sud, affirme : "Je vais aller ailleurs, les gangs ne sont pas intimidés par la police, ça ne changera rien... On paie des fortunes en impôts et on ne peut même plus profiter de la plage !"
La décision du gouvernement hérisse une partie de la société civile, particulièrement réactive depuis la fronde sociale de juin. L'une des revendications communes à tous les groupes de manifestants est la fin des violences policières et la démilitarisation des services de police. La police militaire (PM) a été peu réformée depuis l'époque de la dictature (1964-1985). L'avènement de la démocratie a permis aux militaires et aux policiers de conserver une forme d'immunité, les responsables des violences de l'Etat sous la dictature bénéficiant d'une amnistie.
UN CERTAIN MAL-ÊTRE DANS LA PROFESSION
Certains témoignages anonymes d'agents de la police militaire, cités par Francisco Carlos Teixeira, professeur d'histoire contemporaine à l'Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), montrent un certain mal-être dans la profession : "Nous sommes payés une misère pour chasser les pauvres et les Noirs, c'est aberrant... Mais comment peut-on nourrir sa famille, si on démissionne ?"
La surveillance des plages de la zone sud s'inscrit dans la ligne sécuritaire des autorités, renforcée par la perspective de la Coupe du monde en 2014. Pour la majorité des habitants, en particulier ceux de la périphérie mal desservie, la préparation de cet événement, les travaux et la multiplication des contrôles qu'il occasionne ne représentent que des désagréments supplémentaires. D'après les militants du journal en ligne Zona de Conflito, le gouverneur Sergio Cabral adopterait cette stratégie pour légitimer son gouvernement et dissuader les contestataires : "C'est du terrorisme psychologique, on nous manipule par la peur, la peur des voleurs, la peur des policiers, pour décourager et éviter de nouveaux mouvements de protestations."
Elie Landreau
COPY http://www.lemonde.fr/
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