Vingt ans après, le Rwanda encore en phase de guérison


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    Vingt ans après, le Rwanda encore en phase de guérison

    LE MONDE | • Mis à jour le | Par
    RWANDA

    C’était il y a vingt ans. Un temps suffisant pour laver les collines du sang des victimes mais trop court pour effacer les plaies du plus fulgurant massacre de l’Histoire. En cent jours, entre le 7 avril et le 4 juillet 1994, 800 000 hommes, femmes, enfants ont été exterminés au Rwanda, selon les estimations des Nations unies. Pour un seul motif : ils étaient tutsi ou avaient tenté de s’opposer aux tueries.

    Vingt ans après le génocide, le pays des Mille Collines est revenu à la vie avec des cicatrices parfois mal refermées. Les morts rôdent encore. Pour les rescapés, ce mois d’avril est une souffrance où les souvenirs des disparus remontent à la surface et où les commémorations, qui démarrent le 7 avril, s’imposent comme une nécessité. « C’est un temps de recul, de réflexion, un passage obligé dans le processus de deuil. Les commémorations nous permettent également de discuter des stratégies pour construire l’avenir, car nous avons choisi la vie », déclare Jean-Pierre Dusingizemungu, le président d’Ibuka, le collectif des associations de rescapés.
    PHASE DE GUÉRISON
    Le Rwanda est encore en phase de guérison. En deux décennies, il a accompli des progrès sidérants, tant sur le plan de la cohabitation que sur le plan économique, mais les survivants disent encore attendre que justice leur soit pleinement rendue et que des réparations leur soient versées. Le message s’adresse notamment à la France, où, pendant vingt ans, des dizaines d’individus suspectés d’avoir planifié le processus d’extermination ou d’y avoir participé ont bénéficié d’une totale impunité.
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    Une première condamnation a été prononcée en mars à Paris . Une trentaine d’autres dossiers sont sur le bureau du pôle génocide du tribunal de grande instance de Paris. C’est un pas pour l’apaisement des relations franco-rwandaises. Mais un pas jugé insuffisant à Kigali. Pour preuve, la veille des commémorations, le chef de l’Etat, Paul Kagamé, reprochait une nouvelle fois à la France son rôle « dans la préparation politique du génocide » et sa « participation à son exécution même », provoquant la colère de Paris.
    Ces commémorations sont un moment important pour les rescapés ; elles le sont aussi pour le pouvoir en place. Si le mystère de l’attentat qui a servi de déclencheur aux tueries le 6 avril 1994 – quand l’avion du président de l’époque, Juvénal Habyarimana, a été abattu lors de sa descente sur la capitale – n’a toujours pas été élucidé, il est un fait que personne ne peut contester : c’est le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, et personne d’autre, qui a mis un terme au génocide. C’est le socle de sa légitimité.
    Dresser le bilan des « années Kagamé » est un exercice d’équilibriste. L’ancien guérillero a su utiliser la culpabilité de la communauté internationale, incapable de prévenir et d’arrêter le massacre des siens, pour sortir le Rwanda de l’abîme. Il a développé son pays à une vitesse étonnante, avec pour ambition d’en faire le « Singapour africain », banni de la vie publique les discours identitaires. Cette politique d’inclusion, comme à peu près toutes les autres, a été menée à marche forcée.
    TEST DIPLOMATIQUE POUR LE POUVOIR RWANDAIS
    Par ailleurs, le retour à la sécurité s’est fait au prix de massacres de Hutu, comme à Kibeho en 1995, puis en République démocratique du Congo en 1996. Combien de réfugiés hutu ont été pourchassés et abattus par les soldats de Paul Kagamé ? Parmi eux, il y avait des assassins, mais aussi des innocents. Cela ne fait pas de ces massacres un « deuxième génocide », comme ont voulu le faire croire certains : pour preuve, l’immense majorité de ces populations est rentrée au Rwanda. Mais ces crimes-là attendent eux aussi d’être jugés.
    Photos des victimes du génocide au Rwanda, au sein du mémorial de Kigali.
    Paul Kagamé fait peser une main de fer sur ses concitoyens, au nom de la sécurité et de la réconciliation. « Les soldats sont habitués à donner des ordres, ils ne sont pas habitués au débat », constate Frank Habineza, le président du Parti démocratique vert, une formation d’opposition ne menace guère le tout-puissant FPR, mais qui, depuis 2009, a subi violences et intimidations : son vice-président a été retrouvé décapité.
    A l’extérieur, les dissidents du régime vivent sous la menace. L’ancien chef des renseignements extérieurs Patrick Karegeya a été retrouvé assassiné le 1er janvier à Johannesburg et l’ancien chef d’état-major Kayumba Nyamwasa a échappé par deux fois à la mort. Tous deux étaient d’anciens compagnons d’armes de Paul Kagamé, passés à l’opposition. Kigali a démenti toute implication, comme il l’avait fait après que les Nations unies l’eurent accusé de collusion avec les rebelles congolais du M23. Mais Paul Kagamé se retrouve plus isolé qu’auparavant sur la scène internationale.
    Vingt ans après le génocide des Tutsi, les autorités rwandaises font l’objet de critiques publiques, notamment de la part de l’allié américain. En vertu du respect dû aux morts, elles devraient être mises en sourdine lors des cérémonies, mais ces commémorations seront aussi un test diplomatique pour le pouvoir rwandais.

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