La ville syrienne assiégée de Madaya dans l’attente de l’aide humanitaire


Manifestation à Beyrouth en solidarité avec les habitants de Madaya le 8 janvier.
Compte rendu

La ville syrienne assiégée de Madaya dans l’attente de l’aide humanitaire

Un convoi devrait entrer lundi dans la ville, assiégée par l’armée syrienne et le Hezbollah libanais. Depuis début décembre, la faim a fait des victimes parmi les 40 000 habitants.
Laure Stephan (Beyrouth, correspondance)

La ville syrienne assiégée de Madaya dans l’attente de l’aide humanitaire

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Manifestation à Beyrouth en solidarité avec les habitants de Madaya le 8 janvier.
Manifestation à Beyrouth en solidarité avec les habitants de Madaya le 8 janvier. JOSEPH EID / AFP

De la nourriture, des médicaments, des couvertures : c’est une aide devenue urgente à Madaya, une petite ville syrienne assiégée par le régime et ses alliés du Hezbollah libanais depuis juillet 2015, que pourrait acheminer lundi 11 janvier un convoi humanitaire des Nations unies, du Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge syrien. Dimanche, l’opération restait entourée de plusieurs incertitudes.

La rareté des vivres dans cette ville du massif du Qalamoun, proche du Liban et de Damas, cause des cas de malnutrition sévère. Selon Médecins sans frontières, qui soutient un centre de santé sur place, 23 personnes sont mortes de faim depuis début décembre. Parmi ces victimes figurent des bébés et des personnes âgées. « Les gens sont épuisés, ils ont faim. Sans aide adéquate, ils mourront », prévient Radouane Al-Basha, un militant local.

Prison à ciel ouvert

Le sort des habitants – 40 000 selon les Nations unies, dont près de la moitié sont des réfugiés de Zabadani – s’est aggravé alors que les températures sont devenues glaciales dans la petite ville située en altitude. L’accès aux terrains agricoles, dont les cultures permettent dans d’autres régions assiégées à la population de survivre, est dangereux à Madaya : ces terrains font partie des zones qui ont été minées autour de la ville par l’armée syrienne et le Hezbollah libanais. « C’est la première fois qu’une ville assiégée par le régime est totalement encerclée par des mines », souligne une source humanitaire. Celles-ci ont fait des morts et des blessés, assurent des habitants.
Les vivres qui rentrent de façon sporadique dans la ville, via des soldats corrompus aux barrages militaires, sont vendues à des prix faramineux à Madaya. La nourriture qui avait été acheminée par un précédent convoi humanitaire – le seul autorisé depuis le début du siège – s’est tarie. La faim est telle qu’elle suscite des tensions : une distribution de denrées alimentaires effectuée par une équipe soutenue par MSF et destinée aux plus vulnérables a tourné à l’émeute jeudi 7 janvier. Les habitants rapportent qu’ils sont nombreux à être contraints à se nourrir de feuilles, d’herbes et d’eau relevée d’épices.
Avec Madaya, le régime utilise une nouvelle fois le siège comme une arme. Les civils reclus dans cette prison à ciel ouvert – seul un petit nombre de combattants serait encore présent, selon plusieurs sources – ont le sentiment d’être punis. D’autant que, selon la source humanitaire citée plus haut, des habitants de Zabadani ont été forcés par l’armée et ses alliés à se réfugier à Madaya, avant le siège. En septembre, la ville a été bombardée.

Lenteur des Nations unies

C’est après le tollé international suscité par le sort de Madaya que les autorités syriennes ont donné leur feu vert à l’entrée d’un convoi humanitaire. Mais l’autorisation a surtout suivi l’accord conclu pour qu’une aide similaire pénètre dans les villages de Foua et Kefraya, dans le nord-ouest de la Syrie. Ces deux localités pro-Assad sont encerclées depuis le printemps 2015 par la coalition islamiste de l’Armée de la conquête. Celle-ci a resserré son étau durant l’été en représailles. Peu avant, les forces prorégime avaient lancé l’assaut contre Zabadani et assiégé Madaya.
L’armée syrienne et le Hezbollah entendaient déloger rapidement de Zabadani, une ville proche de Madaya, aujourd’hui en ruines, les combattants anti-Assad, affiliés pour la plupart à Ahrar Al-Sham, mouvement salafiste important au sein de l’Armée de la conquête. Mais l’encerclement de Foua et Kefraya, qui comptent entre 20 000 et 30 000 habitants, les a contraints à négocier, tout en maintenant leur siège. En septembre, une trêve est adoptée.
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Un Syrien regarde des photos affichées dans une tente à Alep le 10 janvier lors d'une manifestation en soutien aux habitants de Madaya.
A Foua et Kefraya, les agences de l’ONU évoquent également une situation « désastreuse. » Le ravitaillement qui se faisait par des lignes militaires a cessé depuis septembre, après la prise par les insurgés d’une base utilisée pour les hélicoptères. L’aide humanitaire y a été sporadique : en octobre, puis en décembre.
L’indignation provoquée par les témoignages de famine à Madaya a aussi contraint le Hezbollah à réagir. Il a reconnu occuper des positions autour de la ville. Mais il a nié que la faim y ait engendré des morts, et accusé les rebelles d’empêcher les civils de sortir. Le parti armé, qui combat depuis au moins 2013 en Syrie, s’adressait entre autres à ses partisans, alors que l’émotion s’amplifiait au Liban face aux récits venus de Madaya.
Aucune partie impliquée dans les négociations sous égide de l’ONU n’a fait savoir pourquoi Madaya, dont le sort est pourtant lié à celui de Foua et Kefraya, n’a pas fait partie du deal qui a permis une évacuation fin décembre. Des combattants et des civils, dont des blessés, ont quitté à cette date Zabadani et Foua et Kefraya.
La lenteur des Nations unies à agir est décriée par les habitants de Madaya. Ce sont des militants de la ville qui ont cherché, depuis fin décembre, à attirer l’attention sur leur sort, à travers une campagne sur les médias sociaux. Les résidents ne comprennent par pourquoi la sonnette d’alarme n’a pas été tirée plus tôt par la communauté internationale. Ou ils y voient plutôt un nouveau signe du désintérêt pour les Syriens.
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