Hollande-Valls, l'histoire secrète du remaniement


Hollande-Valls, l'histoire secrète du remaniement


« Le Monde » dévoile les ultimes tractations qui ont précédé, mercredi 2 avril, l’annonce du nouveau gouvernement.
  • Cent députés PS en colère réclament un « contrat de majorité »
  • Document : la lettre des 100 députés PS au gouvernement
  • L'atterrissage de Moscovici à Bruxelles connaît quelques turbulences

    Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par
    La photo traditionnelle du nouveau gouvernement de Manuel Valls à l'issue du conseil des ministres, dans le parc de l'Elysée, à Paris, vendredi 4 avril.
    Depuis quand le président a-t-il compris qu’il y avait quelque chose de dysfonctionnel dans le couple qu’il formait avec Jean-Marc Ayrault ? « En réalité, il a tranché depuis très longtemps, assure un intime. Depuis la fin de l’été 2012, il sait que cela ne marche pas. » Il aura pourtant fallu patienter jusqu’à la dernière minute de la dernière réunion pour que M. Hollande, après avoir laissé pendant des mois planer un anxiogène suspense, signifie à Manuel Valls qu’il le nommait premier ministre. Et encore le président ne l’a-t-il pas complètement verbalisé. En mai 2012, il le lui avait annoncé sans ambages, en tête à tête : « Tu seras le ministre de l’intérieur. » Cette fois, il est resté plus sibyllin : « Jean-Marc Ayrault m’a adressé sa lettre de démission. »

     Tout s’est précipité ce soir du dimanche 30 mars, qui vit le PS encaisser ce qui restera sans doute comme la plus sévère de ses déroutes municipales. Expert de la carte électorale, M. Hollande comprend immédiatement l’amplitude du désastre. Il s’est bien sûr penché, dans sa région, sur la chute de Limoges, à gauche depuis un siècle.

    Il connaît aussi dans le moindre détail la situation politique des villes prises par le FN. « C’est un message de colère, de rupture », glisse-t-il à ses conseillers. Il a eu les battus au téléphone. Ceux de proches et de ministres, qui le pressent de changer. « L’équipe remaniée était déjà acquise. Mais le maintien d’Ayrault était plus difficile à justifier », confiera-t-il en privé quelques jours plus tard.
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    • France : le gouvernement Valls au travail
      Une équipe rajeunie, très resserrée avec seulement 16 ministres pour l’instant contre une trentaine pour la précédente équipe qui reste paritaire avec huit femmes. Jean-Yves Le Drian reste à la Défense et C’est Bernard Cazeneuve, ex-ministre délégué au Budget qui remplace Manuel Valls comme “premier policier de France”. Un cabinet plus expérimenté avec Laurent Fabius qui conserve les Affaires étrangères et y ajoute la “diplomatie économique”. Arnaud Montebourg, tenant de l’aile gauche du Parti socialiste devient l’un des nouveaux poids lourds avec un portefeuille élargi à l’Economie, au Redressement et au Numérique. Il cohabitera à Bercy avec Michel Sapin. L’ex-ministre du Travail et très proche de François Hollande sera chargé de négocier des marges de manœuvre complexes avec Bruxelles. Son prédécesseur, Pierre Moscovici devrait être le prochain commissaire européen français. Grosse surprise, Christiane Taubira reste Garde des Sceaux malgré des rapports houleux avec Manuel Valls quand il était à l’Intérieur, mais sa “copine” l‘écologiste Cécile Duflot a refusé de travailler avec Manuel Valls. L’un des faits marquants, c’est le grand retour de Ségolène Royal, 22 ans jour pour jour après son premier portefeuille déjà à l’Environnement. L’ex-compagne de François Hollande et ancienne candidate à la présidentielle devient numéro 3 du gouvernement. Elle va s’occuper du grand chantier de la transition énergétique et de l’Ecologie. Poste refusé par les Verts qui se sont exclus d’eux même du gouvernement après 23 mois de présence au pouvoir. Le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement aura lieu vendredi à 10h et Manuel Valls prononcera son discours de politique générale mardi prochain à l’Assemblée Nationale.
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    Ce dimanche soir, le chef de l’Etat n’a donc pas encore tout à fait tranché. Place Beauvau, la tension est extrême autour de Manuel Valls, où le criminologue Alain Bauer et le communicant Stéphane Fouks, ses vieux complices des années de fac, planchent dans un bureau séparé.
  • « Ça s’est passé douloureusement »
Lundi matin, sans surprise, l’agenda est bousculé, et le traditionnel tête-à-tête entre MM. Ayrault et Valls est annulé. Le premier ministre se rend à l’Elysée pour un long « debrief » politique de plus d’une heure trente. Ce qui, en vingt-deux mois, a marché. Et, bien sûr, ce qui n’a pas fonctionné. M. Ayrault regrette de n’avoir pas organisé davantage de débats politiques au sein de son équipe. M. Hollande président lui dit à nouveau qu’il aurait dû s’imposer davantage, notamment dans les médias. A cette heure, le premier ministre s’accroche, et fait valoir ses arguments : une majorité préservée, des écologistes rassurés. A la fin de l’entretien, le président penche plutôt pour un départ, mais s’accorde encore quelques heures.
Il reçoit dans la foulée Manuel Valls. Les deux hommes évoquent de concert les « risques et avantages » de sa nomination, s’attardent sur les réticences des écologistes, et commencent à faire l’ébauche d’un « gouvernement Valls ». Mais, là encore, au terme du rendez-vous, le président n’a formellement rien indiqué à celui qu’il a choisi pour Matignon.
Et ce n’est qu’en début d’après-midi que M. Valls comprend que la partie est gagnée. « Ca a été douloureux pour Hollande », glisse un poids lourd du gouvernement. Le président, qui déteste les ruptures, l’a d’ailleurs dit à l’un de ses visiteurs du soir : « Ça s’est passé rapidement et clairement, simplement et douloureusement. »
  • Avec ou sans les Verts
Dès le lundi après-midi, François Hollande et Manuel Valls planchent sur le scénario et le casting. Premier paramètre : la participation des écologistes. « On ne fait pas le même gouvernement avec ou sans les Verts », prévient le chef de l’Etat. Mais l’affaire s’engage mal.
Lundi soir, les deux ministres écologistes sortants, Cécile Duflot et Pascal Canfin, annoncent qu’ils ne seront pas d’un exécutif Valls, pour cause d’orientations politiques divergentes.
Mardi matin, une délégation d’Europe Ecologie-Les Verts est reçue place Beauvau. Pour l’occasion, Manuel Valls sort le grand jeu. Il leur propose le ministère de l’écologie, assorti du portefeuille hautement stratégique de l’énergie, des engagements et un calendrier pour la loi de transition énergétique, et l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les législatives de 2017.
Cerise sur le gâteau : dans le couloir, une fois l’entretien terminé, M. Valls aborde lui-même le délicat sujet de Notre-Dame-des-Landes pour assurer que la position du gouvernement sur la question pourrait évoluer en cas d’accord… Emmanuelle Cosse, la patronne des écologistes, reconnaît que la proposition est « solide et correcte ».
En fin de journée, tout semble indiquer que les écologistes vont accepter l’offre de M. Valls. Mais deux lignes s’opposent : celle de Mme Duflot contre celle des parlementaires, qui souhaitent majoritairement participer au gouvernement. C’est la première qui l’emporte. Vers 20 heures, la direction du parti, après un vote de ses membres, fait savoir qu’il n’y aura pas de ministres EELV dans le gouvernement Valls. « Le premier ministre leur a fait des propositions qu’aucun autre n’aurait pu faire », s’agacera plus tard M. Hollande.
  • Le cas Taubira
Les écologistes envolés, qui pour incarner la gauche de la gauche au gouvernement ? Ce ne peut plus être que Christiane Taubira. La ministre pensait jusque-là que ses heures étaient comptées. Elle avait même fait ses adieux à son cabinet…
Les socialistes n’avaient pourtant pas ménagé leurs efforts. Arnaud Montebourg lui avait rendu visite deux fois, les jours précédents, pour la conjurer de rester. Le président lui a adressé de nombreux messages. Mais elle ne s’était pas laissé convaincre. « J’ai envie de rentrer chez moi. Ça suffit. Tout ça me gonfle », glissait-elle à ses proches.
Mardi, à Matignon, M. Valls revient à la charge. « Le président tient à ce que tu sois là. C’est important pour la gauche », argumente-t-il. « Moi, j’ai plus envie de mon Amazonie », décline Mme Taubira. Tous deux divergent sur l’analyse du scrutin. Et sur le portefeuille. La culture ? « Je suis prête à sortir tous les soirs, mais ministre, non », décline-t-elle. L’éducation ? Elle n’en veut pas non plus. Si elle reste, ce sera à la justice.
Mercredi matin, elle donne enfin son accord à M. Valls. Avant de reculer, par SMS : « Je n’ai pas de garanties sur la réforme pénale. » Le premier ministre l’appelle pour la rassurer : « La réforme n’est que différée. » Marché conclu.
  • « Hollandais » en rage
Le rendez-vous a été fixé dans un appartement à deux pas des Invalides. « Entre l’Elysée et Matignon, tout un symbole », remarque un convive. Ce mardi soir, les « hollandais » enragent. Il y a quelques membres du gouvernement sortants, Frédéric Cuvillier, Kader Arif, Marie-Arlette Carlotti. Il y là aussi la sénatrice Frédérique Espagnac, ancienne attachée de presse de François Hollande au PS, Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes, François Rebsamen, son alter ego au Sénat, qui rêve d’atterrir place Beauvau. Deux autres « historiques » sont venus également : Isabelle Sima, la chef de cabinet du président, et Faouzi Lamdaoui, conseiller diversité à l’Elysée. Parmi eux, seul Stéphane Le Foll tente de calmer le jeu : lui sait déjà qu’il restera ministre, et probablement qu’il récupérera aussi le porte-parole du gouvernement…
Au menu : la colère et le dépit. Déjà pendant la campagne, ces compagnons des années difficiles avaient mal supporté de voir Manuel Valls s’imposer comme l’homme indispensable auprès de leur « François ». Valls à Matignon, c’est pour eux un pénible remake. « L’impression, comme le dit l’un, de se faire encore baiser ». Avec ses vieux fidèles, le président ne fera pas dans le sentiment. « J’ai fait comprendre que personne ne peut se prévaloir du privilège de l’antériorité », dira-t-il. Ceux qui en avaient encore perdent leurs dernières illusions.
  • Dernières négociations
Le président a longtemps espéré que Jean-Yves le Drian accepte l’intérieur. Mais ce fidèle souhaitait rester à la défense. Place Beauvau, François Hollande ne veut pas du député Jean-Jacques Urvoas, et Manuel Valls oppose son veto à François Rebsamen, qu’il a déjà coiffé dans la course à l’intérieur en 2012 et dont il a torpillé les réseaux depuis. « Il y a eu une hypothèse avec Rebsamen en super ministre des territoires et Urvoas à la sécurité, avec uniquement la responsabilité des forces de l’ordre. Mais ça a bloqué », rapporte un proche du dossier. En réalité, Hollande et Valls seraient très rapidement tombés d’accord sur le nom de Bernard Cazeneuve, proche de l’un et de l’autre…
De son côté, Arnaud Montebourg est catégorique: si Jean-Marc Ayrault devait être reconduit à Matignon, il démissionnerait. Il répète à l’envi que sa lettre est prête. Au lendemain du second tour des municipales, le fougueux ministre fait même monter les enchères. La rumeur circule qu’il ne veut pas non plus être d’un gouvernement Valls. « Il estime que Hollande est déjà grillé pour 2017 et qu’il doit rompre tout de suite pour prendre date », explique un cadre socialiste au cœur des tractations.
En réalité, M.Montebourg s’est rapproché de M.Valls depuis des mois. « Il a dealé un gros portefeuille avec lui, résultat il a obtenu l’économie », confie un intime. La victoire est belle, il avale le poste occupé jusqu’alors par son rival à Bercy, Pierre Moscovici, mais sans les finances affectées au « hollandais » Michel Sapin. Symbole de cette revanche : jeudi, lors de la passation des pouvoirs entre les deux hommes, M. Montebourg tourne ostensiblement ses pouces durant le discours de M.Moscovici…
Benoît Hamon, quant à lui, a vu Manuel Valls mardi soir tard à Matignon. Le premier ministre lui propose d’emblée l’éducation nationale, mais la discussion entre les deux hommes, aux antipodes à l’intérieur du PS, prend vite une dimension politique. « Benoît lui a dit qu’il ne considérait pas sa participation au gouvernement comme naturelle, raconte un proche. Il veut qu’on tire les leçons des municipales sur l’orientation économique générale, pas question que ce soit juste un coup de com’. »
Le samedi d’avant, M. Hamon était à l’Elysée. Il avait conseillé au président de « changer les choses politiquement », explique son entourage, évoquant plusieurs hypothèses pour Matignon parmi lesquelles Martine Aubry et Manuel Valls. Mais François Hollande, une fois de plus, avait écouté sans dévoiler ses intentions profondes. Ce jour-là, encore, il était, sur l’essentiel, resté muet comme une tombe.
COPY  http://www.lemonde.fr

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