Le Venezuela n’est pas l’Ukraine Post de blog
Le gouvernement de Nicolas Maduro
devrait chercher un point d'équilibre, au centre de l'échiquier
politique, estime Heinz Dieterich, sociologue et politologue allemand
résidant au Mexique, qui a été proche de Hugo Chavez.
Le Venezuela n’est pas l’Ukraine
« Le Venezuela n'est pas l'Ukraine », assure le président vénézuélien Nicolas Maduro, en proie à des manifestations de l'opposition depuis début février, qui ont déjà fait une dizaine de morts. « Le Venezuela n'est pas l'Ukraine », renchérit Heinz Dieterich, sociologue et politologue allemand résidant au Mexique. Ce dernier, théoricien du « socialisme du XXIe siècle », a été proche de l'ancien président vénézuélien Hugo Chavez.Toutefois, Dieterich est devenu un critique du chavisme sans Chavez, et notamment de son successeur Maduro. A son avis, le modèle économique mis en œuvre par Chavez est épuisé, il « n'est plus fonctionnel pour le chavisme lui-même ». La gravité de la crise exigerait un programme d'ajustement structurel, alors que Maduro se contente de mesures palliatives et populistes, pathétiques, sans avenir.
Face à la polarisation, le gouvernement vénézuélien devrait chercher un point d'équilibre, au centre de l'échiquier politique, une « cohabitation comme disent les Français », pour éviter un embrasement social, estime Dieterich. Et de demander : si en Allemagne les sociaux-démocrates peuvent former une grande coalition avec la démocratie chrétienne, si le président colombien Juan Manuel Santos arrive à négocier la paix avec la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), qu'est-ce qui empêche Maduro de prendre langue avec le dirigeant de l'opposition, Henrique Capriles Radonski ?
Dieterich critique aussi l'opposant Leopoldo Lopez, détenu dans une prison militaire. Il qualifie son plan de renverser le gouvernement par les manifestations de « chimérique », « illégal et illégitime ». Mais c'est pour mieux insister sur le fait que la solution passe par le centre du spectre politique et la neutralisation des secteurs radicaux et des forces étrangères. A l'entendre, la seule chose qui sépare Maduro de Capriles, « hormis les discours idéologiques et mensongers des deux parties, est la redistribution de la rente pétrolière entre l'oligarchie, le peuple et les multinationales ».
Débat en Argentine et au Brésil
Heinz Dieterich n'est pas la seule figure de l'extrême gauche à se démarquer de l'interprétation officielle en vigueur à Caracas. En Argentine, le dirigeant de Politica Obrera (PO), Jorge Altamira, fait le constat suivant : « L'immobilisme du gouvernement [vénézuélien] a suscité une situation explosive ; le rythme de la crise n'autorise pas l'attentisme ; l'opposition n'a pas gagné la masse chaviste ; le gouvernement répond avec un appareil de répression légal et parallèle qui montre l'érosion de sa base populaire ».
Face aux agressions contre les manifestations d'opposition, Altamira est sévère : « La répression criminelle mise en œuvre par des groupes chavistes parallèles, appelés "collectifs", avec la complicité du pouvoir politique, dévoile une tendance réactionnaire et fascisante des partisans du gouvernement ».
Le dirigeant de PO prône néanmoins une voie différente de Dieterich, le contrôle et la gestion ouvrière collective de l'économie nationalisée. A l'entendre, le manque d'indépendance politique du mouvement ouvrier reste le problème fondamental du Venezuela (et, pourrait-il sans doute ajouter, celui de l'Argentine dominée par le péronisme).
La crise vénézuélienne suscite des débats également dans la gauche brésilienne. Le Parti des travailleurs (PT) de la présidente Dilma Rousseff soutient Maduro et contribue à paralyser la diplomatie de Brasilia face à la crise. « Défendre la démocratie ne signifie pas nécessairement défendre ceux qui sont au pouvoir », nuance pourtant le blogueur Jean Wyllys, dans l'hebdomadaire Carta Capital.
Faisant un parallèle avec l'attitude du PT face à la fronde sociale de juin 2013 au Brésil, Wyllys rappelle que « protester n'est pas putschiste », mais « l'exercice d'un droit civique fondamental ». Si des milliers de personnes descendent dans la rue, le gouvernement devrait réfléchir à ce qui ne va pas. « La répression violente contre les manifestations au Venezuela, avec des blindés dans les rues, gaz lacrymogènes, groupes armés et manifestants morts, est une violation des droits de l'homme, et doit être condamnée », écrit Wyllys.
Le Venezuela n'est pas l'Ukraine, certes, mais ces deux crises obligent la gauche latino-américaine à revoir la relation entre réformes et démocratie, progrès social et droits de l'homme. Les vieux schémas, maintenus depuis des décennies par Cuba et le castrisme, s’avèrent insuffisants lorsque la rue bascule.
COPY http://www.lemonde.fr/europe
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