A Strasbourg, la difficile prévention du "jihad" meurtrier

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Strasbourg - "Quand ils sont revenus, ces jeunes-là, ils avaient une aura dans le quartier": sonnés par l'arrestation de plusieurs jeunes de retour...


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Strasbourg - "Quand ils sont revenus, ces jeunes-là, ils avaient une aura dans le quartier": sonnés par l'arrestation de plusieurs jeunes de retour de Syrie, éducateurs et imams des cités sensibles de Strasbourg s'avouent souvent désarmés face à la tentation du "jihad" meurtrier.
A Strasbourg, la difficile prévention du "jihad" meurtrier
Opération de RAID dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, le 13 mai 2014
afp.com/Frederick Florin
Le quartier de la Meinau s'est retrouvé à la une la semaine dernière quand des commandos de policiers y ont interpellé plusieurs jeunes jihadistes présumés.
Ils faisaient partie d'un groupe d'une douzaine de personnes parties à la mi-décembre pour la Syrie en prétextant des vacances au soleil. Au total sept jeunes Strasbourgeois âgés de 23 à 25 ans ont été mis en examen et écroués pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".
A la Meinau et au Neuhof voisin, leur retour n'était un secret pour personne. "Ils allaient même jouer au foot avec les gamins du quartier", raconte un habitant. Certains ont étalé devant leurs cadets leur expérience syrienne.
"Quand ils sont revenus, ces jeunes-là, ils avaient une aura dans le quartier. Ils ont décrit les morts, les sacrifices devant des jeunes, parfois admiratifs", relate Michel Hamm, qui dirige l'association OPI (orientation-prévention-insertion).
Comme tout un chacun, cet éducateur de rue avoue avoir été "surpris" d'apprendre le départ de l'un d'entre eux vers la Syrie, qui travaillait encore l'été dernier comme animateur au Neuhof. "Il est marié. On n'a rien vu venir", déplore-t-il, encore abasourdi.
Selon les chiffres du gouvernement, ils seraient quelque 780 vivant en France à avoir ainsi rallié les rangs de groupes jihadistes en Syrie.
A la Meinau, où de larges rues sans âme portent le nom de régions françaises, difficile pour une jeunesse en déshérence de croire en la France. Ici, le chômage dépasse les 20%, selon l'Insee.
"Ils ne se voient aucun avenir professionnel. Ils se sentent inutiles. Des prédateurs en profitent pour leur retourner le cerveau. C'est comme au temps de la guerre d'Espagne, ça donne un sens à leur vie", glisse un animateur qui souhaite garder l'anonymat.
- Endoctrinement éclair -

Pour ces jeunes en manque de repères, l'islam radical est devenu une "planche de salut". Elle répond à leur soif d'idéal et d'engagement physique, souligne le sociologue Farhad Khosrokhavar, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
"On ne les a pas vu se radicaliser. Cela faisait quelque temps qu'ils ne fréquentaient plus la mosquée", affirme l'imam du quartier de la Meinau, Saliou Faye.
Sa mosquée improvisée dans des préfabriqués se situe à quelques centaines de mètres des barres d'immeubles usées de la cité de la Canardière, où ont eu lieu deux arrestations.
Les suspects avaient pour la grande majorité un casier judiciaire vierge et étaient bien intégrés. Dès lors, sans signe avant-coureur, comment répérer et éviter ces radicalisations éclair'
"Si un jeune vient me voir et me dit qu'il veut aller en Syrie, je lui réponds que les premières victimes des extrémistes sont les musulmans eux-mêmes. En général, ça leur en bouche un coin et ils vont se renseigner", dit Daniel Mallen, éducateur au sein du Service de prévention spécialisée (SPS) de Cronenbourg, dans le nord de Strasbourg.
Les écouter et argumenter. Encore et toujours. C'est la seule méthode qui vaille, renchérit Michel Hamm: "Ils n'ont pas accès à une pluralité de messages. A nous donc de leur faire prendre du recul".
Démystifier les discours religieux extrémistes, ajoute le vice-président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) en Alsace, Abdelhaq Nabaoui, qui se dit "prêt à intervenir dans les collèges et les lycées". Objectif: donner "une vision claire de l'Islam, compatible avec les valeurs de la République".
- La laïcité, un frein -
Il plaide également pour la création d'une faculté musulmane à Strasbourg, pour "former des cadres religieux compétents", à mille lieux "de ces imams autoproclamés qui embrigadent leurs recrues en catimini".
A chacun de ses prêches, Saliou Faye invite ses fidèles à faire le "jihad social", et "intérieur". "Le jihad, c'est offrir le meilleur de soi-même pour accomplir le bien, en aidant ses proches ou se concentrant sur ses études. Tuer des innocents en Syrie, c'est haram, interdit", répète-t-il inlassablement.
Une fois passés la stupeur et le fatalisme, les quartiers aussi se mobilisent. A la Meinau, un collectif contre "l'endoctrinement jihadiste" s'est créé après la mort de deux frères, qui faisaient partie du même groupe de jeunes partis en décembre. Des débats à huit clos avec à chaque fois une trentaine de jeunes ont été organisés pour "répondre à leurs questions".
Pour beaucoup, l'arsenal déployé par le gouvernement est insuffisant. "La prison seule n'est pas la solution définitive. En Angleterre, ils sont pris en charge à leur retour et suivent des thérapies entourés de psychologues, d'imams et de policiers", fait valoir le sociologue Farhad Khosrokhavar.
L'application "trop restrictive de la laïcité" rend ces expérimentations difficiles en France, concède-t-il.
De fait, de nombreux animateurs sociaux sont "désemparés" à l'idée d'aborder la religion, confirme Daniel Mallen. "En raison de la laïcité, même faire visiter une église ou une synagogue à des collégiens, c'est compliqué !", regrette cet éducateur iconoclaste.
COPY  http://www.afp.com/fr/info

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