En Ukraine, combats et tensions précèdent la présidentielle


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    Ukraine : combats et tensions précèdent la présidentielle

    Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par
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    Un milicien pro-ukrainien blessé lors des combats, vendredi 23 mai.

    A quarante-huit heures d'une élection présidentielle censée rétablir l'ordre dans un pays qui a connu plus de six mois de crise, la situation se complique encore plus dans l'est de l'Ukraine, où les affrontements, ponctuels mais meurtriers, se multiplient, avec notamment la présence de milices pro-ukrainiennes venues en découdre avec les séparatistes.

    Vendredi 23 mai, des combats ont ainsiéclatés dans plusieurs localités du pays. Le ministère de la défense ukrainien a annoncé que 500 militants prorusses avaient attaqué un convoi de l'armée ukrainienne, près de la ville de Roubijne. L'affrontement a fait un mort côté ukrainien, et 20 morts côté prorusses, selon le ministère, cité par l'agence de presse américain AP.
    « CE QU'ILS VEULENT, C'EST RECRÉER LE CHAOS »
    Des combats ont également opposé des miliciens prorusses et, pour la première fois depuis le début de la reconquête du front de l'Est par l'armée ukrainienne, des hommes armés se réclamant du bataillon Donbass, une milice pro-ukrainienne, près du village de Karlivka.
    Un haut responsable de la police locale a raconté comment un convoi pro-ukrainien d'une vingtaine d'hommes et trois véhicules est arrivé vendredi à l'aube pour attaquer un barrage tenu par des prorusses à l'entrée du village. Les combats ont rapidement éclaté, avant que des renforts ne viennent soulager les séparatistes.
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    L'envoyé spécial du Monde a comptabilisé au moins deux morts et un blessé. Ce dernier, qui s'est identifié comme Igor, portait une insigne « Donbass » sur sa veste. Il affirme avoir été encerclé avec ses camarades dans un café. Celui-ci a complètement brûlé après les combats.
    C'est ce « bataillon Donbass » que Le Monde avait déjà rencontré fin avril, peu de temps après sa constitution. Composé uniquement d'hommes originaires de l'Est ukrainien, en majorité des anciens de Maïdan disposant d'une expérience militaire, il avait pris ses quartiers à quelques centaines de mètres de la « frontière » avec la région de Donetsk, dans celle de Dnipropetrovsk.
    « Puisque l'Etat est incapable de régler la situation, c'est à nous de défendre notre terre », expliquait le doyen de ces miliciens pro-ukrainiens, un homme d'affaires de Lougansk âgé de 55 ans. Le groupe dispose du soutien du gouverneur de Dnipropetrovsk, l'oligarque Igor Kolomoïski.
    PRAVYI SEKTOR SIGNALÉ DANS LA RÉGION
    A une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Karlivka, sur la route de Dnipropetrovsk, un mélange de forces armées officielles et de combattants pro-Kiev tenaient vendredi un barrage de bonne ampleur. Deux blindés y étaient stationnés, dont seule l'armée dispose en théorie.
    Ils affirment avoir participé à l'attaque de vendredi matin, et se réclament du bataillon Donbass et du groupe paramilitaire nationaliste ukrainien Pravyi Sektor. Le vice-chef de la section locale de cette milice à Dnipropetrovsk, Denis Gordeev, juriste dans le civil, dit être venu « reprendre ce territoire ukrainien aux terroristes ». Un responsable de la garde nationale ukrainienne était également présent sur le barrage.
    C'est la première fois que des miliciens de Pravyi Sektor s'identifient à visage découvert comme combattants dans le Donbass. Depuis la révolution de Kiev, ce groupe sert d'épouvantail pour désigner l'ennemi armé de l'ouest du pays, supposé prêt à exterminer les populations russophones. La propagande russe en use à loisir. La rumeur populaire devine ses membres sous l'uniforme des militaires déployés dans l'« opération antiterroriste » menée à l'est par Kiev.
    Par ailleurs, selon Mashable, des miliciens affiliés au leader du Parti radical ukrainien Oleh Liashko ont attaqué un bâtiment administratif tenu par les séparatistes dans la ville de Torez, faisant au moins deux morts. Liashko a confirmé l'attaque sur Facebook.
    « RECRÉER LE CHAOS DES ANNÉES 1990 »
    La présence de miliciens ukrainiens risque d'envenimer encore un peu plus la situation dans les régions, et encore davantage à quelques jours d'un scrutin déjà mal engagé. Le haut gradé interrogé par Le Monde résume l'état d'esprit d'une grande partie de la population :
    « Je suis certain que dans la région la majorité des gens était favorable aux rebelles au début. Mais, depuis que la terreur se répand dans la région, leur image s'est dégradée. D'autant plus que des criminels ont aussi pris les armes et se réclament des séparatistes. Ce qu'ils veulent, c'est recréer le chaos des années 1990. »
    Le cadavre d'un milicien pro-ukrainien, près de Donetsk, le 23 mai.
    Le cadavre d'un milicien pro-ukrainien, près de Donetsk, le 23 mai. | REUTERS/YANNIS BEHRAKIS
    IL « Y AURA DES PROBLÈMES »
    Dans le reste du pays, la campagne électorale, loin d'avoir déchaîné les passions, se termine lentement. Selon un dernier sondage, le milliardaire pro-occidental et grand favori, Petro Porochenko, conforte son avance avec plus de 44 % d'intentions de vote devant l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko (8 %).
    Pour assurer le bon déroulement de la présidentielle, Kiev a déployé 55 000 policiers et 20 000 volontaires. Mais il est d'ores et déjà prévu que le scrutin sera perturbé dans les régions où sévissent les séparatistes. Le chef du Conseil de sécurité nationale et de défense, Andri Paroubyï, a ainsi reconnu, avec quarante-huit heures d'avance, qu'il « y aurait des problèmes » à Donetsk, Lougansk et Sloviansk.
    Le dépouillement des bureaux de vote dans ces zones aura lieu ailleurs, en dehors du « cordon d'endiguement » que les autorités se félicitent d'avoir resserré autour des séparatistes. En Crimée, après l'annexion russe, seuls 6 000 électeurs sur 1,8 million se sont enregistrés.
    Alors que le gouvernement de Kiev a appelé « chacun » à se rendre aux urnes pour donner « un pouvoir légitime » au pays, le président russe, Vladimir Poutine, a promis que Moscou « respectera le choix du peuple ukrainien », tout en répétant qu'il ne considère pas le scrutin comme légitime puisque, « selon la Constitution, il ne peut y avoir d'élection, car le président Ianoukovitch (...) est le président en exercice ». 
    Lire nos explications (édition abonnés) : Ukraine : un scrutin présidentiel sous haute tension
     Louis Imbert (Ukraine, envoyé spécial)
    Journaliste au Monde
 copy  http://www.lemonde.fr/

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