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    Crise des réfugiés : l’Europe vit un moment historique

    LE MONDE | • Mis à jour le

    Editorial. On ne sait plus quelle expression utiliser. Sous le choc de la vague migratoire, l’Europe se disloque, se désintègre, se déconstruit. Sauf sursaut d’ici à un prochain « sommet » européen en avril, les historiens dateront certainement de cette affaire, de ces années 2015-2016, le début de la décomposition de l’Europe. Ils diront que ce fut un beau projet commencé au milieu des années 1950 et qui s’achève avant le premier quart du XXIe siècle.

    L’esprit européen aura soufflé, avec le soutien des peuples, plus d’un demi-siècle, avant que le projet ne s’éteigne, devenu impopulaire, victime de son incapacité à se renouveler, plombé par l’absence de dirigeants politiques européens d’envergure.
    Encore une fois, il ne faut pas désespérer d’une possible rémission. Mais les faits sont là, durs, irréductibles à l’un de ses communiqués « communs » débiles dont Bruxelles a le secret. Les Européens se déchirent sur la crise des migrants. Les Européens soit ne veulent pas, soit ne peuvent pas faire face ensemble. Ils savent qu’il n’y a pas de solution unilatérale – sauf à sacrifier l’un d’eux, la Grèce, qui se transformerait en un immense camp de réfugiés. Ils n’ignorent pas que les questions posées par l’afflux de ces cohortes de malheureux fuyant les guerres d’Irak et de Syrie sont par nature transnationales.

    La panique gagne

    Mais à Vingt-Huit, ils sont devenus inaptes à l’action collective, hormis la gestion du marché unique. La tragédie des réfugiés a brisé les Européens politiquement, avec une Europe de l’Est qui n’éprouve aucunement le besoin d’une action collective solidaire : les pays dits « de Visegrad » ne voient pas en quoi ils sont concernés. La tragédie les a aussi brisés juridiquement : même votées dans les règles, les décisions prises par les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement sont violées sans vergogne par des pays membres qui ne s’estiment aucunement liés par leur signature.
    Le spectacle donné ces derniers jours est bien celui d’une Europe en pleine rupture. En principe, les pays membres se sont mis d’accord en septembre sur la « relocalisation » de quelque 160 000 réfugiés, chaque Etat membre en accueillant selon ses possibilités. Mais sous la force d’un flux migratoire – plus d’un million de personnes l’an passé, autant attendues cette année –, la panique gagne. Un par un, les Etats suspendent les accords de Schengen sur la libre circulation au sein de l’Union européenne (UE). Les quotas de relocalisation ne sont pas respectés. Certains des pays qui furent des plus généreux comme l’Autriche – avec l’Allemagne et la Suède – referment leurs portes.

    Référendum pour quelques centaines de réfugiés

    Ridiculisant les décisions prises lors des réunions européennes, l’Autriche a convoqué cette semaine à Vienne une sorte de sommet informel rassemblant neuf pays qui forment la « voie des Balkans ». C’est cette route qu’empruntent les réfugiés pour gagner la frontière autrichienne à partir de la Grèce. Les représentants de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Croatie et de la Slovénie, membres de l’UE, et ceux de l’Albanie, de la Bosnie, du Kosovo, de la Macédoine, du Montenegro et de la Serbie se sont retrouvés pour « isoler » la Grèce : en clair, contenir autant que possible les réfugiés en deçà des frontières grecques.
    Ni la Grèce ni la Commission européenne, pas plus que l’Allemagne, voisine de l’Autriche, n’ont été prévenues. Tout s’est passé en dehors du cadre de l’UE, comme si elle n’existait pas. Colère de la Grèce, qui a rappelé son ambassadeur en Autriche. A Budapest, le premier ministre, Viktor Orban, veut organiser un référendum pour approuver ou non l’accueil des quelques centaines de réfugiés attribués à la Hongrie. Il en va, a-t-il dit, de la préservation du « profil culturel, religieux et ethnique » de son pays. Cependant que la Belgique, amie de la France, rétablissait des contrôles aux frontières de crainte d’un afflux de migrants provoqué par le démantèlement partiel de la « jungle » de Calais...
    Bref, une addition de réflexes nationaux, conflictuels et querelleurs. Comme avant « l’Europe »...
     
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