Brexit : Theresa May lâche un peu de lest pour convaincre les députés
UK PARLIAMENT/AFP / Mark DUFFYLa Première ministre britannique Theresa May au Parlement britannique, le 5 décembre 2018 à Londres
La Première ministre britannique Theresa May a lâché un peu de lest jeudi pour tenter de convaincre des députés d'adopter son accord de Brexit négocié avec Bruxelles avant un vote à haut risque mardi prochain.
Affaiblie par une opposition de tous bords au traité de sortie de l'Union européenne, la dirigeante conservatrice a dit sur la BBC que les députés pourraient avoir le dernier mot sur l'éventuelle activation d'une disposition évitant le rétablissement de contrôles frontaliers sur l'île d'Irlande après le Brexit, un point très controversé du texte.
Désignée par le terme "filet de sécurité" ("backstop" en anglais), cette disposition maintient l'ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE ainsi qu'un alignement réglementaire plus poussé pour l'Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n'est conclu à l'issue d'une période de transition de 21 mois après le Brexit, prévu pour le 29 mars 2019.
Mais le backstop, destiné à préserver l'accord de paix en Irlande du Nord, est décrié par les députés eurosceptiques jusqu'au sein du Parti conservateur au pouvoir, qui y voient un danger d'arrimage permanent du Royaume-Uni à l'UE.
Des dizaines de conservateurs se sont désolidarisés du gouvernement sur le texte, faisant courir un risque élevé de rejet de l'accord au cours du vote, le 11 décembre, à la Chambre des Communes, ce qui plongerait le pays dans l'incertitude et compliquerait le processus de Brexit.
- "Pas automatique" -
AFP / Gillian HANDYSIDEBrexit : et après ?
"On parle du backstop comme s'il était automatique. En fait, il n'est pas automatique", a relevé Theresa May, soulignant la possibilité d'étendre "pour un an ou deux" la période de transition à la place.
"Si nous devons l'utiliser, un choix devra être fait et j'examine la question du rôle du Parlement dans ce choix", a-t-elle ajouté, laissant entendre que la décision d'activer le backstop pourrait revenir aux députés, dans une tentative d’apaiser leur révolte.
Un effort immédiatement battu en brèche par l'ancien chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson. Cette proposition "est tout simplement impossible", a-t-il affirmé. "En vertu de l'accord, l'UE a le droit, légalement, de nous empêcher de prolonger la transition et de nous faire entrer dans le backstop, quoi qu'en dise la Première ministre ou le Parlement".
Mais face aux demandes pressantes de renégocier le compromis, Theresa May reste ferme : son accord est "bon" pour le Royaume-Uni et "le seul" qui permette de mettre en œuvre le Brexit voté par référendum en 2016, tout en conservant des liens étroits avec l'Union européenne.
Devant les députés, le ministre des Finances est venu à la rescousse : "L'idée selon laquelle il y a une possibilité de le renégocier à la dernière minute est tout simplement illusoire", a prévenu Philip Hammond au troisième jour de débats électriques sur l'accord au Parlement.
- "Atmosphère empoisonnée" -
"Le temps est venu des choix difficiles et des solutions pratiques", a-t-il ajouté. Les autres options, selon lui, sont un Brexit sans accord, néfaste pour l'économie britannique, ou pas de Brexit du tout.
L'ancien ministre et député conservateur Nicholas Soames, pourtant loyal au gouvernement, a lui-même reconnu qu'il était "probable" que Theresa May essuie une défaite pendant le vote du 11 décembre.
Il a déploré sur la BBC la guerre interne entre Tories, évoquant une "atmosphère empoisonnée" avec "des collègues remontés les uns contre les autres".
Selon une source parlementaire, les partis s'organisent actuellement en vue de créer une commission chargée d'examiner les scénarios alternatifs à l'accord de retrait défendu par le gouvernement.
Cette commission pourrait alors préparer une contre-proposition et demander au gouvernement de négocier celle-ci auprès des dirigeants européens. Une hypothèse qui exigerait de repousser la date du Brexit.
Mais le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier a répété jeudi à Bruxelles que l'accord actuel était "le seul et le meilleur possible", fermant la porte à toute reprise des discussions.
Partisan de l'organisation d'un second référendum, l'ancien Premier ministre travailliste Tony Blair a appelé Theresa May à "faciliter la recherche de solutions" plutôt qu'à maintenir le vote de mardi. "Il vaut mieux cela plutôt que d'aller de l'avant quand vous savez que vous allez percuter un mur à toute vitesse".
L'arrestation d'une dirigeante de Huawei secoue les marchés boursiers mondiaux
AFP / Clement SABOURINLa directrice financière du groupe chinois Huawei Meng Wanzhou a été arrêtée le 1er décembre à Vancouver, au Canada.
De Hong Kong à New York, les Bourses mondiales, déjà en petite forme, se sont alarmées jeudi de l'arrestation d'une responsable du groupe chinois Huawei à la demande de Washington, une décision judiciaire pouvant remettre en cause la récente trêve commerciale sino-américaine.
L'indice vedette de Wall Street, le Dow Jones Industrial Average, lâchait 1,93% vers 18H20 GMT. Le Nasdaq abandonnait de son côté 0,81% et le S&P 500 1,69%.
Les places européennes ont toutes clôturé dans le rouge. A Paris, le CAC a chuté de 3,32%, la Bourse de Francfort de 3,48% et la Bourse de Londres de 3,15%. Parmi les autres places financières, la Bourse de Milan a lâché 3,54% et celle de Madrid 2,75%.
Avant les indices européens, les Bourses asiatiques avaient également flanché après l'annonce de cette arrestation. A Tokyo, l'indice vedette Nikkei a reculé de 1,91%.
Les places chinoises ont enregistré des baisses particulièrement marquées: à Hong Kong, l'indice composite Hang Seng a chuté de 2,47%, celui de la Bourse de Shanghai a perdu 1,68% et celui de Shenzhen 2,17%.
AFP/Archives / Johannes EISELEDe Hong Kong à New York, les Bourses mondiales, déjà en petite forme, s'alarmaient jeudi de l'arrestation d'une responsable du groupe chinois Huawei à la demande de Washington
Ce fort repli "est lié principalement à l'arrestation de la directrice financière du groupe chinois Huawei, qui compromet les espoirs d'apaisement de tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis", a expliqué auprès de l'AFP Daniel Larrouturou, directeur général délégué à Diamant bleu Gestion.
Meng Wanzhou a été arrêtée le 1er décembre à Vancouver, au Canada. Les Etats-Unis réclament son extradition et une audition pour sa remise en liberté conditionnelle doit avoir lieu vendredi, selon le ministère de la Justice canadien.
- Mesures de représailles? -
Selon des informations de presse, Washington soupçonnerait Mme Meng de violation des sanctions américaines contre l'Iran. Or cette arrestation intervient quelques jours seulement après l'annonce d'une trêve dans la guerre commerciale sino-américaine, qui pèse déjà sur la croissance mondiale.
AFP / Sabrina BLANCHARDLes places financières dans le rouge
Acté à l'issue d'une rencontre entre les présidents Donald Trump et Xi Jinping, ce cessez-le-feu d'une durée de 90 jours doit permettre aux deux premières puissances mondiales de renégocier leurs relations commerciales.
La Chine a promis jeudi qu'elle allait appliquer "immédiatement" des mesures convenues avec les États-Unis lors de la rencontre entre les deux présidents, sans pour autant parvenir à rassurer les acteurs de marché.
"Tous les secteurs sont dans le rouge et aucun compartiment n'arrive à sortir la tête de l'eau", a observé Andrea Tuéni. A Paris, le secteur technologique a fini en queue de peloton. STMicroelectronics a reculé de 5,98% à 12,11 euros et Soitec de 5,88% à 48,94 euros.
AFP/Archives / Jim WATSONLes présidents Donald Trump et Xi Jinping à Pékin le 8 novembre 2017
Les valeurs automobiles ont particulièrement souffert à Francfort, BMW cédant 2,82% à 72,07 euros et Volkswagen 3,12% à 143,00 euros tandis qu'à la Bourse de Londres, le secteur minier a été fortement pénalisé, Anglo American chutant de 4,22% à 1.556,40 pence et Antofagasta de 7,07% à 760,00 pence.
- Craintes sur la croissance économique -
L'arrestation au Canada de Meng Wanzhou, qui semble compromettre la trêve dans la guerre commerciale sino-américaine annoncée ce week-end, ne permet pas à elle seule d'expliquer une telle débâcle des marchés actions, a estimé auprès de l'AFP Andrea Tuéni, un analyste de Saxo Banque.
AFP / Nicolas ASFOURIAvant les indices européens, les Bourses asiatiques avaient également flanché après l'annonce de cette arrestation.
"C'est un ensemble d'événements (qui jouent). Il y a bien sûr ce dossier commercial sur lequel il n'y a pas beaucoup d'optimisme des investisseurs, mais il y a également des craintes sur la croissance et la situation économique", a expliqué M. Tuéni.
Enfin, sur le front des changes, l'euro montait un peu face au dollar: vers 18H00 GMT, la monnaie unique valait 1,1387 dollar, contre 1,1344 dollar mercredi à 22H00 GMT.
De leur côté, les cours du pétrole chutaient dans un marché miné par ses propres préoccupations. Les investisseurs s'interrogeaient notamment quant à l'ampleur éventuelle des baisses de production qui seraient consenties par l'Opep.
Vers 18H20 GMT, le baril de Brent perdait 1,94 dollar à 59,62 dollars à Londres et, à New York, le baril de WTI lâchait 1,80 dollar à 51,09 dollars.
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