Yémen: combats meurtriers à Hodeida, Washington, Paris et Londres haussent le ton

Yémen: combats meurtriers à Hodeida, Washington, Paris et Londres haussent le ton

AFP / STRINGERDes forces progouvernementales yéménites circulant le 10 novembre 2018 à la lisière Est de la ville de Hodeida dans le cadre d'une offensive qui s'intensifie pour reprendre cette ville portuaire aux rebelles Houthis
Des combats meurtriers ont encore fait rage lundi dans la ville portuaire de Hodeida, dans l'ouest du Yémen, alors que l'ONU et des puissances occidentales ont accentué la pression sur les belligérants pour que les hostilités cessent rapidement.
Interrogé sur la possibilité d'un cessez-le-feu, le porte-parole de la coalition antirebelles, le colonel saoudien Turki al-Maliki, a déclaré à la presse que l'opération se poursuivait.
L'offensive des forces progouvernementales vise notamment à "mettre plus de pression" sur les rebelles Houthis, qui contrôlent Hodeida et la capitale Sanaa notamment, pour qu'ils viennent à la table de négociations, a-t-il dit.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a mis en garde contre les conséquences "catastrophiques" d'une éventuelle destruction du port de Hodeida, point d'entrée de plus des trois-quarts des importations et de l'aide humanitaire internationale, dans un pays menacé par la famine.
Selon une habitante, les combats ont baissé d'intensité en fin de journée. Au préalable, au moins 111 rebelles, 32 loyalistes et sept civils avaient été tués au cours des dernières 24 heures dans les affrontements, selon des sources militaires progouvernementales et hospitalières.
Les rebelles Houthis, appuyés par l'Iran, ont opposé une farouche résistance à la progression des forces progouvernementales soutenues militairement par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, a admis une source militaire loyaliste.
Une source de la coalition militaire sous commandement saoudien a indiqué que les Houthis avaient repoussé une tentative d'avancée loyaliste en direction du port, situé au nord de la ville, et qu'ils réussissaient ailleurs à ralentir des progressions adverses.
Les Houthis ont affirmé sur la messagerie Telegram avoir "attiré" et piégé des loyalistes dans le sud-ouest de Hodeida, qui ont avancé avant d'être attaqués par des rebelles.
La coalition a de son côté visé les rebelles avec de multiples frappes aériennes, selon des sources militaires loyalistes.
Dans la nuit, des corps carbonisés ont été amenés à l'hôpital militaire Al-Alfi, contrôlé par les rebelles, ont indiqué des sources de cet établissement.
Amnesty International a déploré que les combats aient contraint des centaines de personnels médicaux et de patients à fuir l'hôpital al-Thawra, le plus grand établissement hospitalier à Hodeida, des explosions ayant secoué le secteur dimanche.
- Les Occidentaux au créneau -
AFP / Laurence SAUBADUCombats à Hodeida
L'offensive des forces loyalistes sur Hodeida avait été lancée en juin, mais elle s'est nettement intensifiée depuis le 1er novembre avec un bilan d'au moins 594 morts jusqu'ici dans la région (461 rebelles, 125 loyalistes et 8 civils), selon des sources militaires loyalistes et des médecins.
Déjà vivement critiquée pour des "bavures" à répétition ayant fait des centaines de victimes civiles au Yémen, l'Arabie saoudite a été considérablement affaiblie par l'affaire Jamal Khashoggi, du nom de ce journaliste tué le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul.
Tour à tour, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo et ses homologues britannique Jeremy Hunt et français Jean-Yves Le Drian ont souligné que le temps de la négociation était venu.
Lors d'un entretien dimanche avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, également ministre de la Défense, M. Pompeo a explicitement appelé à "la fin des hostilités", demandant que "toutes les parties viennent à la table pour négocier une solution pacifique au conflit".
L'administration américaine visiblement sous la pression du Congrès, a confirmé l'annonce samedi par Ryad que la coalition allait désormais effectuer elle-même le ravitaillement en vol de ses avions, assuré jusqu'ici par les Etats-Unis.
AFP / ESSA AHMEDUn médecin yéménite ausculte un nourrisson souffant de malnutrition dans la région de Abs, dans le nord-ouest du Yémen, le 11 novembre 2018
De son côté, avant de débuter une mini-tournée régionale, M. Hunt a évoqué le coût humain "incalculable" du conflit yéménite.
- "Arrêter les frais" -
Le ministre britannique, qui a été reçu lundi par le roi d'Arabie saoudite, s'est dit favorable à une "nouvelle action" au Conseil de sécurité pour soutenir les efforts du médiateur de l'ONU au Yémen, Martin Griffiths. Ce dernier cherche à organiser un nouveau round de négociations "d'ici la fin de l'année".
M. Hunt s'est également rendu aux Emirats arabes unis, pour rencontrer le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.
"Il faut que la communauté internationale dise ça suffit", a déclaré pour sa part le Français Jean-Yves Le Drian, ajoutant: "Il n'y aura pas de vainqueur dans cette guerre. Donc, il faut arrêter les frais".
A Hodeida, les Houthis disent utiliser des pièces d'artillerie. Ils ont aussi positionné des snipers sur les toits des bâtiments et posé de nombreuses mines, selon un correspondant de l'AFP.
Des avions de combat et des hélicoptères d'attaque de la coalition ont pilonné régulièrement les positions rebelles, suscitant de vives inquiétudes pour des dizaines de milliers de civils piégés en ville.
Paradoxe de la situation, le port de Hodeida est resté jusque-là "ouvert" et opère "normalement", selon son directeur-adjoint, Yahya Sharafeddine.
De son côté, Hervé Verhoosel, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), a indiqué que les combats n'avaient pas affecté jusqu'à présent ses opérations.
Le Yémen est le théâtre de la pire crise humanitaire au monde, rappelle régulièrement l'ONU, qui précise que 14 millions de civils sont en situation de pré-famine.
Depuis 2015, les combats ont fait quelque 10.000 morts, majoritairement des civils, et plus de 56.000 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais des responsables humanitaires estiment que le bilan réel des victimes est bien plus élevé.

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