« Pas envie de voir d’un côté des riches, de l’autre ceux qui crèvent »
A Paris, le rassemblement a
attiré plusieurs milliers de personnes. Beaucoup moins à Lyon, où la
mobilisation n’a été que très peu suivie.
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« Pas envie de voir d’un côté des riches, de l’autre ceux qui crèvent »
Le Monde.fr
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Par Julia Pascual et
Richard Schittly (Lyon, correspondant)
Environ 8 500 personnes se sont réunies à Paris, samedi 5 septembre
après-midi, sous les mots d’ordre « Pas en notre nom » ou encore
« Welcome Refugees » pour manifester leur solidarité avec les migrants.
Ce rassemblement, lancé en début de semaine via les réseaux sociaux, se voulait avant tout « citoyen ». Un aspect auquel tenaient de nombreuses personnes présentes. Ainsi, Marie-Jo David, une Parisienne « engagée auprès des mineurs isolés étrangers », refusait d’être associée à un « mouvement politique ». Mais elle craint que la mobilisation ne dure pas.
Autour de la statue de la République, au centre de la place, un groupe de Syriens se faisait entendre aux cris de « Bachar Al-Assad, Al-Sissi, assassins ! ». Sur des pancartes, des messages reviennent : « Arrêter les massacres d’Assad = arrêter le flux des réfugiés », dit l’une d’elles. Une autre montre la photo d’Aylan Kurdi et cette phrase : « Je suis Syrien. Assad et Daesh m’ont tué ». Parmi eux, Ammar Kharboutli, qui a obtenu le statut de réfugié politique il y a deux mois et qui est en France depuis février 2015. « La France, pour moi, c’est un abri, fait-il valoir. Il faut donner le droit de vivre aux réfugiés syriens qui sont aux frontières. »
Non loin du groupe de Syriens, un Thaïlandais brandit un écriteau : « Nous réfugiés thaï montrons notre solidarité avec tous les réfugiés du monde ». Ailleurs, une centaine de membres de la Coordination des sans-papiers de Paris s’est rassemblé. La plupart sont Maliens, Sénégalais et Mauritaniens : « On est venu soutenir les migrants », explique Souleymane Sanghott, un Mauritanien qui vit en France depuis dix ans.
L’on pouvait également distinguer parmi la foule une quarantaine de militants d’Amnesty International : « Ca fait plusieurs mois qu’on se bat pour que l’Europe assume ses responsabilités. Le droit d’asile est un fondement de nos sociétés et il est inscrit dans le droit international », défendent Pauline Olmedo et Carmen Bailly.
Des membres du Front de Gauche ou d’Europe Ecologie-Les Verts défendaient un message similaire. « Cette année, je ne nous avais jamais vus aussi nombreux à une manifestation », constatait Claire Grover, responsable de la commission nationale immigration chez EELV, à propos des militants de son parti. « On est là, c’est naturel, revendique une élue communiste de Paris, Catherine Vieu-Charier. Et c’est très politique, contrairement à ce que dit ce rassemblement. Il y a un clivage entre une extrême droite anti-immigrés, une droite très réactionnaire et une gauche qui a dans ses fondements le fait de dire qu’il faut accueillir ceux qui veulent vivre en paix. »
La place commençait à se vider aux alentours de 19 heures. Des membres du collectif La Chapelle en lutte passaient encore parmi les gens : « Nous faisons une quête pour les réfugiés qui sont dans le lycée hôtelier désaffecté du 19e arrondissement. Ils sont au moins 400. Environ 150 sont arrivés sur ces trois derniers jours », explique Marguerite Dauvois. « On est content qu’il y ait du monde, ajoute la militante. On a fait des manifs à 200 ou 300 maximum ces derniers mois. Ca redonne espoir. » L’instant d’après, des militants du collectif repartent en direction du 18e arrondissement. « Une quarantaine de personnes campent devant la mairie », explique Houssam El Assimi, l’un d’entre eux. La veille, les pouvoirs publics ont évacué le square Jessaint où plus d’une centaine de migrants étaient réunis. « Une partie d’entre eux est restée sur le carreau », dit Houssam El Assimi.
Isabelle Moulin, 50 ans, a eu l’idée de réactiver « le concept des parapluies » pour fédérer les volontaires. Au début des années 2000, une campagne de sensibilisation pour Forum réfugiés, principal organisme d’accueil de migrants à Lyon, avait utilisé des parapluies blancs avec ce slogan adressé aux populations en détresse : « un petit coin de parapluie pour un coin de paradis. »
Lorsqu’un parapluie s’ouvre au milieu de la grande place Bellecour, c’est effectivement le signal pour ceux qui ne croyaient plus à la manifestation, faute de participants. « Je pensais que Lyon était une ville humaniste et qu’elle se serait mieux mobilisée », estime Virginie, 36 ans, venue de Villeurbanne avec son bébé. « Je ne comprends pas qu’on ne puisse rien faire, on a les moyens d’organiser de l’accueil dans les communes, les villages. »
« Hollande a raison de pousser au niveau européen mais ouvrir les frontières c’est la boîte de Pandore, on va accorder des droits d’asile mais les autres ? Les Français sont contre en majorité et la peur de l’islam qui s’ajoute et se mélange à tout ça, c’est compliqué », analyse Jean Costil, 73 ans, ancien président de la Cimade à Lyon. Dans l’assistance à la moyenne d’âge élevée, Georges, 67 ans, se dit choqué par les images de murs et de grillages qui fleurissent sur le sol européen. « Avant c’était les régimes communistes qui faisaient ça », dit cet ingénieur à la retraite, retiré à Caluire.
A ses côtés, Marion, 35 ans, est venue par des messages sur Facebook. « Il faut que l’on montre que des gens sont prêts à se bouger. J’ai pas envie de voir d’un côté des riches, de l’autre ceux qui crèvent. Les gens ont peur de perdre quelque chose en aidant des migrants », estime la jeune femme. « Ce qu’on risque, c’est perdre notre âme », glisse un voisin, en référence à la formule de l’ancien maire de Lyon Michel Noir, contre le Front national.
Ce rassemblement, lancé en début de semaine via les réseaux sociaux, se voulait avant tout « citoyen ». Un aspect auquel tenaient de nombreuses personnes présentes. Ainsi, Marie-Jo David, une Parisienne « engagée auprès des mineurs isolés étrangers », refusait d’être associée à un « mouvement politique ». Mais elle craint que la mobilisation ne dure pas.
« Je suis un peu agacée. On recommence ce qu’on a fait pour Charlie. La France marche à l’émotion. Le problème de l’émotion, c’est qu’elle est passagère. Je préférerais qu’il y ait une prise de conscience. »A côté d’elle, Ouafa Yassa est justement venue sous le coup de cette « émotion », suscitée chez elle par la diffusion cette semaine de la photo du petit enfant syrien mort noyé. Elle a pris ses deux jeunes fils de 8 et 5 ans sous le bras, pour « leur montrer qu’on ne vit pas dans le monde des Bisounours ». Cet été, elle était en vacances à Bodrum, la ville côtière turque où le corps d’Aylan Kurdi s’est échoué : « Le fait de voir la photo m’a fait prendre conscience des conséquences de ce que j’avais vu là-bas ».
« La France, c’est un abri »
Un peu plus loin, trois jeunes filles. Lucie Avril, l’une d’elles, fait part de son « sentiment d’impuissance face à la guerre en Syrie et aux réfugiés qui accostent en Europe. L’opportunité de cette journée, c’est de montrer que l’opinion publique n’approuve pas l’immobilisme de l’Europe ». Plus prosaïquement, Xavier (le prénom a été changé, ndlr) est venu place de la République afin de « prendre conscience de ce qu’il se passait ». A observer les personnes réunies ce samedi, il a le sentiment « qu’il n’y a pas beaucoup de monde. Je ne suis pas sûr de savoir si c’est mixte ou s’il n’y a que des petits bobos. »Autour de la statue de la République, au centre de la place, un groupe de Syriens se faisait entendre aux cris de « Bachar Al-Assad, Al-Sissi, assassins ! ». Sur des pancartes, des messages reviennent : « Arrêter les massacres d’Assad = arrêter le flux des réfugiés », dit l’une d’elles. Une autre montre la photo d’Aylan Kurdi et cette phrase : « Je suis Syrien. Assad et Daesh m’ont tué ». Parmi eux, Ammar Kharboutli, qui a obtenu le statut de réfugié politique il y a deux mois et qui est en France depuis février 2015. « La France, pour moi, c’est un abri, fait-il valoir. Il faut donner le droit de vivre aux réfugiés syriens qui sont aux frontières. »
Non loin du groupe de Syriens, un Thaïlandais brandit un écriteau : « Nous réfugiés thaï montrons notre solidarité avec tous les réfugiés du monde ». Ailleurs, une centaine de membres de la Coordination des sans-papiers de Paris s’est rassemblé. La plupart sont Maliens, Sénégalais et Mauritaniens : « On est venu soutenir les migrants », explique Souleymane Sanghott, un Mauritanien qui vit en France depuis dix ans.
L’on pouvait également distinguer parmi la foule une quarantaine de militants d’Amnesty International : « Ca fait plusieurs mois qu’on se bat pour que l’Europe assume ses responsabilités. Le droit d’asile est un fondement de nos sociétés et il est inscrit dans le droit international », défendent Pauline Olmedo et Carmen Bailly.
Quelques politiques au rendez-vous
Des membres et des élus de partis politiques étaient enfin présents et l’on pouvait voir leurs drapeaux à divers endroits de la place de la République. « Ouvrons les frontières, de l’air, de l’air ! », scandait un groupe du Nouveau Parti Anticapitaliste. « Nous sommes là pour affirmer notre solidarité pleine et entière avec les réfugiés, assure une militante, Cathy Billard. Qu’ils fuient la guerre ou qu’ils subissent les crises économiques ou climatiques que provoque le capitalisme. On ne laissera pas Valls faire mine d’accueillir les réfugiés politiques et dire que tous les autres ont vocation à repartir. »Des membres du Front de Gauche ou d’Europe Ecologie-Les Verts défendaient un message similaire. « Cette année, je ne nous avais jamais vus aussi nombreux à une manifestation », constatait Claire Grover, responsable de la commission nationale immigration chez EELV, à propos des militants de son parti. « On est là, c’est naturel, revendique une élue communiste de Paris, Catherine Vieu-Charier. Et c’est très politique, contrairement à ce que dit ce rassemblement. Il y a un clivage entre une extrême droite anti-immigrés, une droite très réactionnaire et une gauche qui a dans ses fondements le fait de dire qu’il faut accueillir ceux qui veulent vivre en paix. »
La place commençait à se vider aux alentours de 19 heures. Des membres du collectif La Chapelle en lutte passaient encore parmi les gens : « Nous faisons une quête pour les réfugiés qui sont dans le lycée hôtelier désaffecté du 19e arrondissement. Ils sont au moins 400. Environ 150 sont arrivés sur ces trois derniers jours », explique Marguerite Dauvois. « On est content qu’il y ait du monde, ajoute la militante. On a fait des manifs à 200 ou 300 maximum ces derniers mois. Ca redonne espoir. » L’instant d’après, des militants du collectif repartent en direction du 18e arrondissement. « Une quarantaine de personnes campent devant la mairie », explique Houssam El Assimi, l’un d’entre eux. La veille, les pouvoirs publics ont évacué le square Jessaint où plus d’une centaine de migrants étaient réunis. « Une partie d’entre eux est restée sur le carreau », dit Houssam El Assimi.
A Lyon, rendez-vous manqué
A Lyon, la mobilisation a été beaucoup moins importante. Moins d’une centaine de personnes se sont rassemblées sur la palce Bellecour. La faible participation déçoit profondément les présents, dont beaucoup sont militants dans des associations humanitaires. L’appel est passé par des réseaux sociaux, sans être déclaré officiellement à la préfecture.Isabelle Moulin, 50 ans, a eu l’idée de réactiver « le concept des parapluies » pour fédérer les volontaires. Au début des années 2000, une campagne de sensibilisation pour Forum réfugiés, principal organisme d’accueil de migrants à Lyon, avait utilisé des parapluies blancs avec ce slogan adressé aux populations en détresse : « un petit coin de parapluie pour un coin de paradis. »
Lorsqu’un parapluie s’ouvre au milieu de la grande place Bellecour, c’est effectivement le signal pour ceux qui ne croyaient plus à la manifestation, faute de participants. « Je pensais que Lyon était une ville humaniste et qu’elle se serait mieux mobilisée », estime Virginie, 36 ans, venue de Villeurbanne avec son bébé. « Je ne comprends pas qu’on ne puisse rien faire, on a les moyens d’organiser de l’accueil dans les communes, les villages. »
« Il est indispensable de réagir »
La seule prise de parole publique est celle d’Olivier Brachet, 67 ans, ancien directeur de Forum réfugiés, élu démissionnaire de la municipalité de Gérard Collomb, qui appelle à un rendez-vous le 14 septembre prochain, date d’une réunion européenne sur la question des migrations.« Il faut pousser les responsables politiques, les inciter à une répartition des populations entre les pays européens, en France, il faut que l’effort d’accueil soit partagé, tous les départements devraient être concernés. »« On peut accueillir pleins de personnes dans différents endroits », est persuadée Maud Dreano, 39 ans, une bretonne arrivée à Lyon depuis trois ans, qui porte un parapluie avec des # suivis de mots-clés : dignité, réfugiés. « Je serais prêt à accueillir chez moi s’il le faut, les Français sont frileux sur la politique de l’immigration, c’est la première fois qu’un tel mouvement se produit en Europe, il est indispensable de réagir », dit Marc Dinguirard, 67 ans, habitant de Lyon 3, écharpe blanche autour du cou.
« Hollande a raison de pousser au niveau européen mais ouvrir les frontières c’est la boîte de Pandore, on va accorder des droits d’asile mais les autres ? Les Français sont contre en majorité et la peur de l’islam qui s’ajoute et se mélange à tout ça, c’est compliqué », analyse Jean Costil, 73 ans, ancien président de la Cimade à Lyon. Dans l’assistance à la moyenne d’âge élevée, Georges, 67 ans, se dit choqué par les images de murs et de grillages qui fleurissent sur le sol européen. « Avant c’était les régimes communistes qui faisaient ça », dit cet ingénieur à la retraite, retiré à Caluire.
A ses côtés, Marion, 35 ans, est venue par des messages sur Facebook. « Il faut que l’on montre que des gens sont prêts à se bouger. J’ai pas envie de voir d’un côté des riches, de l’autre ceux qui crèvent. Les gens ont peur de perdre quelque chose en aidant des migrants », estime la jeune femme. « Ce qu’on risque, c’est perdre notre âme », glisse un voisin, en référence à la formule de l’ancien maire de Lyon Michel Noir, contre le Front national.
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Julia Pascual
Journaliste au Monde
- copy http://www.lemonde.fr/international/
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