Coup de filet dans l'ultradroite: poursuite des gardes à vue, les musulmans "préoccupés"
AFP / XAVIER LEOTYMaison de Guy S. retraité de la police nationale et chef de file présumé du réseau, photographiée le 25 juin 2018 en Charente-Maritime
Après le coup de filet dans la mouvance de l'ultradroite, les gardes à vue des dix personnes suspectées de préparer des attaques terroristes contre des musulmans se sont poursuivies lundi, tandis que des représentants de l'islam exprimaient leur "profonde préoccupation".
Cette affaire braque les projecteurs sur l'ultradroite alors que la menace terroriste est venue ces dernières années essentiellement des réseaux jihadistes, responsables d'une vague d'attentats sans précédent depuis 2015.
Menées dans la nuit de samedi à dimanche par les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les arrestations se sont déroulées en Corse, en région parisienne et en Charente-Maritime. Les enquêteurs ont retrouvé des fusils, des pistolets et des grenades artisanales lors des perquisitions, selon des sources proches de l'enquête.
Les dix interpellés, neuf hommes et une femme, toujours soumis lundi à une garde à vue qui peut durer 96 heures en matière terroriste, avaient "un projet de passage à l'acte violent, aux contours mal définis à ce stade, ciblant des personnes de confession musulmane", a précisé une source proche de l'enquête. Ils ont de 32 à 69 ans.
Parmi eux figure le chef de file présumé de ce réseau, Guy S., né en 1953, retraité de la police nationale vivant à Tonnay-Charente. Selon la mairie de cette commune de Charente-Maritime, il avait été assesseur pour le Front national (FN) d'un bureau de vote aux élections présidentielle et législatives de 2017. Cependant, selon Albert Maes, secrétaire départemental aux adhésions du FN, il ne figure pas dans le fichier des adhérents, ni même dans celui des "sympathisants".
La présidente du Rassemblement national (RN, ex-FN), Marine Le Pen, a mis en garde contre tout "lien" qui pourrait être établi entre les personnes interpellées et les militants identitaires ou ceux de son parti d'extrême droite. "Nous avons toujours (...) condamné toute utilisation de la violence", a abondé Nicolas Bay, du bureau exécutif du RN.
Les suspects gravitaient autour d'un mystérieux groupuscule baptisé "AFO" (Action des forces opérationnelles) et appelant à lutter contre "l'ennemi intérieur" musulman.
Selon TF1-LCI, ils ciblaient des imams radicaux, des détenus islamistes sortant de prison mais aussi des femmes voilées choisies au hasard dans la rue.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a exprimé sa "profonde préoccupation" pour la sécurité des quelque 2.500 lieux de culte et des près de six millions de fidèles de la deuxième religion de France.
L'instance représentative se constituera partie civile dans ce dossier si la procédure le permet, a indiqué son président, Ahmet Ogras, à la sortie d'un entretien avec le ministre de l'Intérieur.
Gérard Collomb a pour sa part "réaffirmé la totale mobilisation" de ses services "pour prévenir tout trouble à l'ordre public et toute atteinte aux biens et aux personnes, a fortiori visant un culte en particulier", selon un communiqué du ministère.
- Actions violentes en hausse -
Si le nombre d'actes antimusulmans enregistrés a diminué en 2017 par rapport à 2016, notamment grâce à une forte baisse des simples menaces, la sous-catégorie des actions violentes a augmenté, passant de 67 à 72 faits.
Des responsables religieux et associatifs déplorent en outre un haut niveau d'"islamophobie" dans le débat public.
AFP/Archives / MATTHIEU ALEXANDRELe président de l'Observatoire contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman, Abdallah Zekri, le 29 août 2016 à Paris
"Je n'ai pas été surpris par ce coup de filet parce que le climat actuel d'islamophobie encourage ce type de passage à l'acte", a déclaré à l'AFP le président de l'Observatoire contre l'islamophobie du CFCM, Abdallah Zekri.
Pour le très militant Comité contre l'islamophobie en France (CCIF), "la normalisation du discours islamophobe ainsi que le manque d'action et de fermeté des pouvoirs publics nourrissent la violence idéologique et préparent le passage à l'acte".
Les dossiers judiciaires impliquant la mouvance de l'ultradroite sont rares au sein du pôle antiterroriste de Paris.
Mais en 2016 Patrick Calvar, alors patron du renseignement intérieur, avait redouté une possible "confrontation entre l'ultradroite et le monde musulman".
En octobre 2017, les services antiterroristes avaient démantelé un groupuscule d'ultradroite fédéré autour d'un ex-militant du mouvement royaliste Action française, Logan Nisin. Son groupe avait envisagé de s'en prendre au leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et à Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement.
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