Journée "justice morte" des avocats: les tribunaux au ralenti
AFP / CHRISTOPHE SIMONManifestation d'avocats devant le palais de Justice de Paris, le 21 mars 2018
Les tribunaux français tournaient au ralenti mercredi, avec de très nombreux reports d'audiences, des rassemblements, des actions symboliques pour une journée de mobilisation des avocats contre le projet de loi de programmation pour la justice, présenté le même jour au conseil d'Etat.
A Pau (Pyrénées-Atlantiques), où le barreau avait été fin 2017 en pointe de la contestation sur la carte judiciaire, les quelque 245 avocats observaient une "grève totale des audiences", sauf celle du procès d'une mère infanticide, dénonçant "une vision purement gestionnaire au mépris des droits fondamentaux".
Le Conseil national des barreaux (CNB) annonçait plusieurs dizaines d'actions pour cette journée "justice morte" : grèves ciblées, rassemblements devant les palais de justice, journées voire semaine entière avec grève totale des audiences durant parfois, comme à Orléans, jusqu'au 30 mars, prochaine journée de mobilisation avec manifestations prévue à l'échelon national.
A Lyon, plus de 300 avocats se sont rassemblés sur les marches de la cour d'appel, où ils se sont allongés dans la salle des pas perdus, comme leurs collègues de Meaux (Seine-et-Marne).
A Grenoble, où le barreau compte près de 600 avocats, un rassemblement s'est tenu dans la salle des pas perdus "en robe, pour fédérer tout le monde", a déclaré à l'AFP Me David Roguet, bâtonnier.
Le barreau de Lille (1.300 avocats) a voté la grève générale à l'unanimité. Les 17 bâtonniers de la région Hauts-de-France devaient être reçus en préfecture dans l'après-midi.
A Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), les avocats ont déposé un préavis de grève de toutes les activités civiles et pénales, judiciaires et extrajudiciaires du 21 au 26 mars.
- 'Justice, si tu savais...' -
Lors d'un procès en appel pour coups mortels à la cour d'assises de Saint-Brieuc, les bâtonniers de Brest et Saint-Brieuc ont demandé le renvoi, contre l'avis de l'avocat général. La présidente a donc commis d'office deux avocats qui ont refusé et quitté la salle. L'audience a a finalement débuté avec un seul avocat sur les quatre prévus
A Dijon où 300 avocats sont en grève "100% des audiences de mercredi sont renvoyées ou se déroulent sans avocat", a affirmé Me Dominique Clemang, bâtonnier.
Plus de 300 avocats se sont réunis à Marseille sur les marches du Palais Monthyon, malgré la neige. Toutes les audiences du jour étaient suspendues, selon Me Géraldine Méjean, vice-présidente de l'Union des jeunes avocats.
Renvoi aussi de la quasi-totalité des audiences dans le Grand Est. Les avocats, comme à Thionville (Moselle), venaient au devant du public "pour leur expliquer les raisons du mouvement et leur signifier que les audiences sont renvoyées", a expliqué Me Marc Monossohn, bâtonnier.
Dans la capitale, 200 avocats se sont rassemblés sur les marches du palais de Justice derrière la banderole "Citoyens en danger, justice menacée, avocats en colère".
Le bâtonnier de Quimper, Nicolas Josselin, a dénoncé "une concertation fictive", tandis que Jacques Delay, président de la conférence régionale de l'Ouest, parlait de "simulacre de concertation".
"Les avocats ont été très impliqués dès le départ", a répliqué sur France 2 la Garde des Sceaux Nicole Belloubet, tout en rappelant ses "lignes rouges: les objectifs du texte, une justice plus rapide, une justice plus proche".
Dans son appel à la mobilisation daté du 17 mars, le CNB réaffirme son opposition au projet de loi de programmation de la justice 2018-2022, et "exige du gouvernement d'être immédiatement associé à la rédaction des projets d’ordonnances et de décrets".
"Nous étions dans une logique de concertation, jusqu'à ce que nous découvrions le projet de loi le 9 mars, qui ne reprend pas des propositions auxquelles nous avions donné notre feu vert", a dénoncé mercredi la présidente du CNB Me Christiane Féral-Schuhl à Paris où le barreau a appelé à la grève.
"Il manque des éléments essentiels, comme le règlement des conflits à travers la médiation (...) La déjudiciarisation n'est pas la solution. Avec cette réforme, on retire sa place au juge. Au pénal, on va créer des plateformes de résolution des litiges fondées sur des algorithmes". Elle a noté quelques "avancées" dans les négociations qui se poursuivent.
Escroquerie à l'éolien domestique: trois ans de prison ferme requis pour l'ancien PDG
AFP/Archives / LOIC VENANCEDes éoliennes à Plomodiern, le 6 mars 2018
Cinq ans de prison, dont trois ferme, ont été requis mercredi à Orléans à l'encontre de l'ancien dirigeant de France Éoliennes dans une vaste affaire d'escroquerie portant sur la commercialisation d'éoliennes domestiques défectueuses qui a fait 600 victimes.
Le procureur de la République Jean-Dominique Trippier, représentant le ministère public, a justifié sa demande de peine de prison ferme et non aménageable par l'existence d'"un trouble social majeur".
Il a demandé à ce que cette peine soit assortie d'une mise à l'épreuve consistant pour l'ancien PDG de France Éoliennes à indemniser les quelques 600 parties civiles.
Il a également demandé au tribunal de prononcer une amende de 200.000 euros et une interdiction définitive de gérer toute entreprise.
"Vous êtes parfaitement nuisible pour la vie économique et vous devez en être écarté définitivement", a considéré Jean-Dominique Trippier.
"La délinquance en col blanc, ça n'existe pas. Vous êtes un délinquant, au même titre que les trafiquants de produits stupéfiants", a encore lancé le procureur de la République, à l'issue d'un réquisitoire visant essentiellement l'ex-PDG de France Éoliennes.
Entre 2006 et 2009, la société basée à Fay-aux-Loges (Loiret), a démarché des particuliers et des agriculteurs de toute la France, afin de les convaincre d'installer une éolienne sur leur propriété.
Il est apparu très vite que les aérogénérateurs fabriqués en Chine étaient de mauvaise qualité. Ils fournissaient une puissance de 3 kilowatts (kW), quand France Éoliennes promettait 5 kW.
Des peines allant d'un an à six mois de prison et une amende 50.000 euros ont également été requis à l'encontre de deux autres dirigeants de la société.
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